Simplification du droit de l'environnement : le projet de loi Macron oublie l'Europe
Curieusement, l'un des piliers du projet de loi "pour la croissance et l'activité d'Emmanuel Macron ne fait que peu de bruit : le choc de simplification du droit de l'environnement. Il occupe pourtant plusieurs articles et promet de réformer une bonne partie du code de l'environnement (lire ici). L'ambition est louable : les procédures d'autorisation sont souvent trop longues pour un intérêt écologique parfois discutable. Mais la méthode est incertaine : le recours au procédé poussiéreux et peu démocratique des ordonnances est rarement synonyme de qualité et de sobriété juridiques. C'est à juste titre que Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, critique cette "législation de chef de bureau". Au nom de la simplification, le risque de produire encore plus de normes mal écrites et mal acceptées est donc bien réel. Il est encore plus élevé lorsque la loi procède d'une étude d'impact.
Mais surtout, le projet de loi Macron oublie une chose fondamentale : le droit de l'environnement est d'abord un droit européen. La complexité du droit de l'environnement a trois causes principales qui suppose de raisonner non en village gaulois mais en acteur européen pour être traitées. La première tient à ce que nos entreprises interviennent souvent sur plusieurs marchés européens et non pas seulement sur le seul marché français. Elles ont donc besoin de normes uniformes à l'échelle de l'Union européenne pour ne pas avoir à changer de règles sur leurs produits et services à chaque passage de frontière. Il est notamment impératif que l'administration française s'assure, avant de publier de nouvelles normes, que celles-ci sont cohérentes avec celles de nos voisins.
La deuxième cause de complexité tient à ce que la France anticipe très mal l'élaboration des normes européennes à venir en matière d'environnement. Les normes européennes semblent souvent "tomber du ciel" provoquant parfois un effet de stupeur chez les acteurs économiques qui sont contraints de s'adapter à toute vitesse à des nouvelles obligations de faire ou de ne pas faire. Ce qui suscite souvent des mouvements de recul ou de rejet. Ces acteurs, à commencer par les PME et les TPE, doivent être informés et consultés en amont, lorsque le droit de l'environnement prend sa source à Bruxelles. Ils doivent pouvoir se préparer aux changements à venir et s'exprimer sur les projets en cours. Et leurs avis, leurs intérêts et leurs préoccupations doivent être portés, défendus à Bruxelles mais aussi à Strasbourg. Auprès des services de la Commission européenne mais aussi auprès de nos eurodéputés. Il est essentiel que la France participe à l'élaboration des normes environnementales au début et non à la fin comme le propose maladroitement le projet de loi Macron. Raisonner au stade de l'autorisation du projet n'a pas de sens si l'on ne raisonne pas d'abord au stade de la production du droit de l'Union européenne. Bien avant que les règles nouvelles ne s'appliquent. Dès le stade de la rédaction des propositions de directives et de règlements, les parties prenantes dont les entreprises doivent être informées des mesures à venir, leur impact doit être évalué, leur intérêt doit être débattu, et les conclusions de ce débat doivent être défendues. Des services comme le Secrétariat générale aux affaires européennes (SGAE), ou la Représentation permanente de la France doivent être mieux connus, mieux utilisés.
Enfin, troisième cause de complexité qui suppose de "penser Europe" : la transposition des normes européennes en droit français. Le débat est ancien entre certaines ONG qui estiment que la France "sous-transpose" ou ne transpose pas certaines directives européennes et certains acteurs économique qui estiment à l'inverse que la France "sur transpose". Ce débat est important. Il doit être tranché. Trop souvent, la France transpose au dernier moment, par fournées au moyen de lois fourre-tout – les fameuses lois "DDADUE" et en bloc. Ce qui aboutit à ajouter de nouvelles tranches dans le code de l'environnement et à nuire à la cohérence de l'ensemble de l'ouvrage.
En conclusion, si l'objectif du projet de loi Macron est le bon, le moyen de l'atteindre ne l'est pas, faute de tenir compte du caractère profondément européen, voire international, du droit de l'environnement.
Arnaud Gossement est avocat au barreau de Paris, spécialisé en droit public et en droit de l'environnement. Docteur en droit et ancien enseignant-chercheur, il enseigne le droit de l'environnement à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne et à l'IEP (institut d'études politiques) de Paris. Membre en 2013 du comité de pilotage des États généraux de la modernisation du droit de l'environnement, il avait auparavant participé en 2007 aux négociations du Grenelle de l'environnement, et en 2011 remis à la ministre de l'Écologie un rapport sur le droit minier. |