La qualité des évaluations environnementales ne s'améliore pas
"On ne constate pas une tendance au progrès", observe Philippe Ledenvic. Les années précédentes, le président de l'Ae (Autorité environnementale) remarquait des progrès sur le contenu des études d'impact, mais en 2018, cette instance chargée de rendre des avis publics sur la qualité des évaluations et la bonne prise en compte de l'environnement par les projets, plans ou programmes, a rendu plus souvent des avis très critiques. "On voit les mêmes erreurs que les années précédentes sans constater d'amélioration significative", résume-t-il en conférence de presse le 26 mars 2019.
Le président l'explique entre autres par un manque de compétences. "Des projets sont bons mais leurs dossiers pourris [...] avec des bureaux d'études, maîtres d'ouvrage et pétitionnaires qui n'ont pas compris" l'exercice de l'évaluation environnementale. Celle-ci arrive parfois trop tardivement. Elle est encore trop souvent perçue comme une contrainte, "juste une case à cocher".
"Nous constatons tous une faible appropriation des démarches d'évaluation environnementale en tant que processus itératif. Il s'agit souvent de tentatives de justification de décisions déjà prises", remarque le président de l'Ae, tout comme l'année dernière. "Le délai laissé entre l'avis de l'autorité environnementale et le début de l'enquête publique est un bon indice, sourit Philippe Ledenvic, parfois l'enquête publique ouvre le lendemain de notre avis".
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Cela révèle "un problème de compréhension de l'utilité de l'avis de l'Ae et des MRAe [Missions régionales d'autorité environnementale, ndlr]", note Fabienne Allag-Dhuisme. Cette membre de l'Ae observe par ailleurs que l'analyse de solutions alternatives n'est pas encore bien comprise. Elle donne l'exemple de porteurs de projets éoliens, qui ne proposent comme alternative qu'un déplacement de quelques mètres d'une éolienne au sein de la même zone, déjà choisie. Les équipes regrettent aussi le décalage entre les ambitions affichées et les orientations retenues.
"La question de l'air et des gaz à effet de serre n'est jamais traitée dans les dossiers, jamais une évaluation correcte n'est faite", regrette aussi Philippe Ledenvic. C'est y compris le cas pour les infrastructures routières, où par exemple la réduction de vitesse n'est jamais analysée. Dans le domaine du bruit, "les mesures de protection restent trop souvent définies a minima, selon une interprétation erronée de la réglementation", lit-on dans le rapport annuel. "La prise en compte de la biodiversité reste insuffisamment ambitieuse", dénonce la même source.
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"Des plans sont a priori censés être vertueux pour l'environnement mais ne le sont pas", observe Philippe Ledenvic. Il cite l'exemple des PAR (plans d'actions régionaux) nitrates, qui visent à limiter les fuites de nitrates, qui ne démontrent pas en quoi ils sont susceptibles d'apporter une amélioration. "Seule la Bretagne, partie d'une situation exceptionnellement excédentaire en azote, fait état d'améliorations significatives mais les quelques résultats favorables restent dans toutes les régions limités, insuffisants et fragiles, sans pouvoir être toujours attribués aux mesures du plan", lit-on dans le rapport annuel de l'Ae.
Les PAR nitrates ne sont pas seuls dans la catégorie que l'Ae qualifie de plans et programmes de "développement durable ?". Elle pointe aussi du doigt les programmes régionaux forêts bois, les schémas d'aménagement régionaux, les parcs nationaux et régionaux, les plans de prévention des risques naturels ou encore les programmations pluriannuelles de l'énergie.
Bien sûr, ce n'est pas toujours facile parce qu'il peut y avoir concurrence entre plusieurs enjeux environnementaux. Un membre de l'Ae cite l'exemple d'un projet photovoltaïque situé sur une ancienne carrière à riche biodiversité. "La difficulté de l'exercice réside dans la transformation de la concurrence en cohabitation", résume-t-il.
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Certains projets, plans et programmes sont soumis à une évaluation environnementale. Pour permettre au public d'être bien informé avant d'être consulté et de participer à l'élaboration de la décision, l'Ae se prononce sur la qualité de cette évaluation et la prise en compte de l'environnement par les projets, plans et programmes. En, 2018, l'Ae (Autorité environnementales) a rendu 107 avis. Une grande partie concerne des projets de transports. Les MRAe (Missions régionales d'autorité environnementale) ont donné environ 1 700 avis. Ses avis sur les plans programmes concernent surtout les documents d'urbanisme et 40 % de ses avis donnés sur les projets portent sur des projets d'aménagement. Ae et MRAe rendent aussi des décisions. Dans ce cas, elles sont saisies par le maître d'ouvrage pour décider si une étude d'impact ou une évaluation environnementale est nécessaire ou pas. En 2018, l'Ae a rendu 108 décisions et les MRAe environ 2 800. La majorité des décisions rendues par les MRAe porte sur les PLU. |
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