Si elles n'ont pas fait d'inspection commune pour le plan de prévention, entreprises extérieure et utilisatrice sont responsables
Le salarié d’une entreprise extérieure, en charge de la maintenance d’outillage portuaire d’une entreprise utilisatrice fait une chute mortelle depuis un portique porte-conteneurs de cette dernière. Deux autres entreprises extérieures intervenaient sur ce chantier.
Dans cette affaire, les deux premières sociétés ont été poursuivies en leur qualité d’entreprise extérieure et d’entreprise utilisatrice pour exécution de travaux sans inspection commune préalable.
L’entreprise extérieure a également été poursuivie pour homicide involontaire dans le cadre du travail par personne morale.
Cette affaire permet de rappeler les conditions dans lesquelles une inspection commune préalable doit être réalisée pour permettre l’établissement d’un plan de prévention efficace en cas de coactivité et les conditions dans lesquelles une délégation de pouvoirs est valable.
En l’espèce, la Cour de cassation vient confirmer la décision des juges du fond qui condamnent les deux sociétés pour infraction à la règlementation sur l’hygiène et la sécurité des travailleurs.
Les juges viennent rappeler que la visite en amont de l’intervention ne peut être considérée comme une inspection préalable si cette visite a seulement pour objectif d’examiner le matériel nécessaire à l’opération dans le but d’établir une proposition commerciale de contrat de maintenance et non d’examiner les précautions de sécurité exigées par la règlementation.
Il n'est pas démontré que cette visite aurait permis d'aborder les questions de sécurité liées à des interventions conjointes sur le site et que le mode opératoire n'a en tout état de cause pas été transmis au salarié victime de l’accident ni aux salariés des autres sociétés intervenantes.
Dans cette affaire, les juges relèvent qu’aucune communication réciproque entre les sociétés ne s’est effectuée préalablement à l’opération de maintenance sur ces risques et dangers, que le plan de prévention réalisé, non communiqué aux salariés des autres sociétés intervenantes s’avère être très superficiel, exempt d’exhaustivité et d’efficience sur l’appréciation des dangers dans la mesure où aucune visite préalable dans cette perspective n’a été réalisée.
Dans ce cadre, aucun autre élément allégué ne permet d'envisager que l'obligation d'inspection préalable spécifique du site ait été remplie puisqu'aucune analyse commune entre les différents intervenants n'a été accomplie, qu'un responsable d'activité portuaire d’une autre société intervenante a admis qu'aucune trace écrite de l'inspection préalable n'avait été réalisée et que les prescriptions des dispositions des articles R. 4512-2 et suivants du code du travail n'ont pas été suivies d'effet notamment sur la matérialisation des zones de danger et leur inviolabilité, la description des travaux à accomplir, des matériels à utiliser et le mode opératoire de l'intervention.
L’entreprise extérieure conteste la condamnation pour homicide involontaire estimant qu’elle avait délégué ses pouvoirs en matière de sécurité au salarié. Selon elle, la faute de la victime étant la cause exclusive du dommage, cela excluait la responsabilité de son employeur.
Pour qu’une délégation de pouvoirs soit effective, le délégué doit disposer de l’autorité, des moyens et des compétences nécessaires à l’exercice de sa mission.
De plus, le domaine de la délégation ne doit pas être trop large, et la délégation doit avoir un caractère précis et limité.
Or, dans cette affaire, les juges du fond ont estimé que le salarié n'était pas titulaire d'une délégation de pouvoirs écrite de la part de son employeur et n'apparaissait pas, en l'état des éléments fournis par ce dernier, investi des compétences techniques et juridiques et des moyens nécessaires à l'exercice d'une mission de garantie de la sécurité et des moyens nécessaires pour veiller à l'observation des règles en vigueur en la matière.
La seule mention en annexe du contrat de travail si elle est trop incertaine quant à son domaine et à sa portée ne peut être considérée comme une telle délégation, que si le salarié a pu veiller au respect des règles de sécurité, cette seule affirmation ne témoigne pas qu'il disposait des compétences pour ce faire, en l’espèce le salarié disposait d’une tenue inappropriée aux conditions de travail et a effectué des choix techniques inappropriés pour le remplacement d’un câble.
Il est également établi par les éléments du dossier, d'une part, que l'intéressé n'avait suivi aucune formation à ce titre depuis son embauche et, d'autre part, que les autorisations d'engagement de dépenses étaient validées par le directeur du site, lui-même titulaire d'une délégation de pouvoirs.
Sur ce second point, la Cour de cassation ne se prononce pas et indique que l’inexistence d’une délégation de pouvoirs relevait de l’appréciation souveraine des juges du fond sans qu’ils n’aient à répondre à tous les arguments de la société.