Les délais de consultation du CSE sont réduits à 8 et 12 jours
ll devenait urgent, tant pour les employeurs que pour les représentants du personnel et pour leurs conseils, de disposer de textes stables concernant les modalités de la reprise d'activité dans les entreprises, l'exécutif ayant fixé au 11 mai la date du retour progressif à la normale après la période de confinement. C'est chose faite depuis le week end dernier. Sur les délais de consultation, on attendait un décret, c'est finalement une deuxième ordonnance sur le CSE, modifiant l'article 9 de l'ordonnance du 22 avril 2020, que le gouvernement a d'abord adoptée le 2 mai en conseil des ministres, comme la loi d'état d'urgence sanitaire du 23 mars 2020 l'y autorise, avant de publier dans la foulée, au Journal officiel du 3 mai, le décret réduisant les délais de consultation du CSE.
Pour les organisations syndicales, l'ordonnance apparaît comme un moindre mal. Elles craignaient que ne soient englobées toutes les informations-consultations du CSE, y compris sur le PSE, les plans de sauvegarde de l'emploi. Ce n'est pas le cas. L'article 1er de l'ordonnance précise bien, comme le souligne le rapport présentant le texte, que le raccourcissement des délais ne s'applique pas "aux convocations adressées dans le cadre de procédures d'information et consultation menées sur les décisions de l'employeur relatives aux plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) et aux accords de performance collective" (1).
L'ordonnance ne contient pas non plus, comme le gouvernement l'avait pourtant évoquée, une réduction à 8 jours des délais de consultation du CSE et des délais d'expertise. Cela s'explique : ces délais relevant de la partie réglementaire du code du travail, ils peuvent être modifiés simplement par décret. Le répit a été de courte durée puisque le décret a été pris dans la foulée, et les syndicats ne semblent guère avoir été entendus sur ce point. Mais pourquoi alors avoir pris cette ordonnance rectificative ? "La précédente ordonnance avait omis de viser la question des délais de l'ordre du jour du CSE", nous répond Luc Bérard de Malavas. Et ce juriste de Secafi de s'interroger également sur une possible volonté de l'exécutif de sécuriser le champ assez large des consultations visées par le texte.
Ces délais réduits s'appliquent à compter de la publication de l'ordonnance et jusqu'au 23 août 2020, précise...un décret d'application paru le 3 mai. Ces délais concernent l'information ou la consultation du CSE et du CSE central "sur les décisions de l'employeur ayant pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de propagation de l'épidémie de covid-19". La formulation, très large en dépit de l'exclusion du PSE et de l'APC, dépasse les seules consultations sur la reprise d'activité dans les entreprises.
Les délais raccourcis par l'ordonnance, qui remplacent donc les délais légaux et conventionnels, sont les suivants :
- pour le CSE central : l'ordre du jour de la réunion arrêté par le président du CSE (l'employeur) et le secrétaire (élu) est communiqué 3 jours avant la réunion, au lieu de 8 jours habituellement (art L. 2316-17 du code du travail) ;
- pour le CSE d'établissement : l'ordre du jour de la réunion est communiqué 2 jours avant la réunion, au lieu de 3 jours habituellement (art. L. 2315-30 du code du travail). Rappelons que cette communication doit être adressée par le président du CSE aux membres du comité, à l'agent de contrôle de l'inspection du travail ainsi qu'à l'agent des services de prévention des organismes de sécurité sociale.
L'ordonnance indique encore que les futurs délais raccourcissant la durée de la consultation courront à partir de la publication du décret, donc à partir de ce 3 mai. S'il avait déjà lancé une consultation du CSE avant la publication du décret, l'employeur pourra, s'il le souhaite, interrompre la consultation en cours et engager une nouvelle procédure avec les nouveaux délais réduits.
Le décret réduisant les délais de consultation du CSE a donc été publié le 3 mai. En application de l'ordonnance évoquée ci-dessous, le décret "adapte les délais applicables dans le cadre de l'information et de la consultation du CSE et du CSE central, menée sur les décisions de l'employeur qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19". Son champ déborde donc le seul cas de la consultation pour la reprise de l'activité de l'entreprise puisque seules sont exclues des délais réduits les informations et consultations concernant les PSE, les informations et consultations concernant les accords de performance économique (art. L.2254-2) et les trois grandes informations et consultations sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière de l'entreprise et la politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi (art. L.2312-17).
L'application de ces délais va du 3 mai au 23 août 2020.
Comme attendu, les délais choisis par le gouvernement, en dépit de la pression des organisations syndicales, paraissent courts. En l'absence d'intervention d'un expert (art. R.2312-6), le délai de consultation du CSE passe d'un mois à 8 jours.
Avec l'intervention d'un expert (art. R. 2312-6), ce délai passe de 2 mois à 12 jours pour le CSE central à 11 jours pour les CSE d'établissement. Ce délai reste de 12 jours lorsque plusieurs expertises se déroulent au niveau du CSE central et dans un ou plusieurs établissements, alors que le délai dans ce cas là est normalement porté à 3 mois.
Lorsque la consultation concerne à la fois un ou plusieurs CSE et le CSE central, l'avis de chaque CSE d'établissement doit être rendu et transmis dans un délai d'un jour (au lieu de 7 jours) avant la date à laquelle le CSE central est réputé avoir été consulté.
Les délais sont également très réduits pour la réalisation des expertises. L'expert dispose de 24 heures, au lieu de 3 jours, pour demander à l'employeur toutes les informations complémentaires qu'il juge nécessaire. L'employeur a également 24 heures, au lieu de 5 jours, pour lui répondre (art. R.2315-45).
Le délai dont dispose l'expert pour notifier à l'employeur le coût prévisionnel, l'étendue et la durée de l'expertise passe de 10 jours à 48 heures à compter de sa désignation ou 24 heures à compter de la réponse apportée par l'employeur à une demande qui lui a été adressée (art. R.2315-46).
Le délai donné à l'employeur pour saisir un juge s'il entend contester l'expertise passe de 10 jours à 48 heures (art. R.2315-49).
Enfin, l'expert doit remettre son rapport 24 heures avant, et non plus 15 jours avant, l'expiration des délais de consultation du CSE (art. R2315-47).
Reste à savoir si ces conditions permettront une reprise d'activité dans de bonnes conditions pour les salariés comme pour le dialogue social, dans un contexte qui reste anxiogène. Plusieurs intervenants auprès des CSE, avocats et experts, ont souligné l'importance d'associer les représentants du personnel aux conditions de reprise, mais également l'importance de tenir compte sur la durée, et non seulement pour les quelques jours précédant et suivant la reprise au travail, des retours d'expérience des salariés revenant au travail...
(1) Le fait d'écarter l'accord de performance collective, qui permet à un employeur de revoir, avec un accord majoritaire, la rémunération, la mobilité ou la durée du travail (voir l'art. L. 2254-2 du code du travail), semble curieux puisque le CSE n'est de toute façon pas saisi de cet accord. En revanche, le CSE peut financer un expert-comptable afin qu'il apporte son concours aux délégués syndicaux qui négocient l'APC (art. L. 2315-92). Est-ce une façon de souligner que la baisse de la durée des expertises ne concernera pas celle sur les APC ? A moins qu'il ne s'agisse de préciser que la consultation demandée par un CSE à la suite des changements importants des conditions de travail provoquée par un accord APC soit exclue de ces délais réduits...