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Ce que change la loi Pacte en matière de RSE

La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 11 avril 2019, introduit un objet social de l'entreprise et la qualité de "société à mission".

Les entreprises vont devoir prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité. Cette mesure figure dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (dit Pacte), adopté définitivement par le Parlement le 11 avril 2019 (1). Le Sénat avait tenté en vain de supprimer cette disposition mais les députés l'ont réintroduite en seconde lecture du texte. Ainsi, l'article 169 impose que "la société [soit] gérée dans son intérêt social".

Ce dispositif soumet explicitement toutes les sociétés, commerciales ou civiles, et quelle qu’en soit leur taille (petite, grande ou moyenne), à une responsabilité sociale et environnementale. Il dispositif s'applique également aux mutuelles, aux institutions de prévoyance et aux coopératives agricoles (ainsi qu'à leurs unions).

Intérêt social et raison d'être

Cependant, il n'y a pas "d'objectif de résultat", a déclaré le 24 avril Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, lors d'une rencontre avec les journalistes de l'AJPME (association des journalistes des petites et moyennes entreprises). Le but de cette mesure est "d'inviter les dirigeants d'une société à accomplir cette prise en considération [des enjeux sociaux et environnementaux] de façon générique, dans la gestion ordinaire de son activité", précisaient des députés lors des discussions parlementaires. Et "non [pas] uniquement sous la contrainte d'une disposition légale spécifique". C'est pourquoi les termes "dans les conditions prévues par la loi" ont été supprimés du texte définitif.

À cette gestion de l'entreprise dans son intérêt social, s'ajoute la possibilité de définir une raison d’être dans ses statuts. Cette raison d'être est "constituée des principes dont la société (ou l'organisme) se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité".

Pour les sociétés et organismes concernés, le conseil d'administration - qui détermine les orientations de l'activité et veille à leur mise en oeuvre - devra prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de l'activité de l'entreprise ainsi que sa raison d'être lorsque celle-ci est précisée dans les statuts.

 

Lire aussi : RSE : quelles conséquences pratiques pour les entreprises qui se donneront une raison d’être ?

 

Création de la qualité de "société à mission"

Par ailleurs, la loi Pacte consacre la "société à mission". Selon l'article 176, une société peut "faire publiquement état" de cette qualité lorsque ses statuts mentionnent :

  • une raison d'être ;
  • un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité (en plus de son objectif de réaliser des profits) ;
  • les modalités de suivi de l'exécution de cette mission.

Un organe social distinct (des autres organes sociaux) sera chargé exclusivement de suivre l’exécution de la mission de l'entreprise. Ce comité dédié, composé d'au moins un salarié, devra présenter un rapport annuel, joint au rapport de gestion, à l'assemblée générale chargée de l'approbation des comptes. Il "procède à toute vérification qu'il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l'exécution de sa mission", est-il précisé. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, ce organe peut être remplacé par un "référent de mission" qui peut être un salarié de la société.

Un contrôle extérieur est également prévu. Un organisme tiers indépendant devra vérifier l'exécution par l'entreprise de ses objectifs sociaux et environnementaux. Un décret en Conseil d'Etat doit en définir les modalités et la publicité. Cette intervention donnera lieu à un avis joint au rapport du comité de mission.

Formalisme et sanctions

La société doit déclarer sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce, qui la publiera. Les conditions doivent être précisées par décret. Cette qualité peut être retirée à l'entreprise si les conditions d'application du statut ne sont pas remplies ou si l'avis du tiers indépendant conclut au non respect d'un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux. Dans ce cas, le ministère public ou toute personne intéressée pourra saisir le président du tribunal statuant en référé, pour enjoindre au représentant légal de la société de supprimer la mention "société à mission" de tous les actes, documents ou supports électroniques émanant de la société.

 

Lire aussi : Projet de loi Pacte : Les députés précisent le suivi de la société à mission

 

La qualité de société à mission est aussi ouverte, dans les mêmes conditions, aux mutuelles et aux coopératives (loi 1947).

 

(1) Le texte a fait l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel.

Céline Chapuis
Ecrit par
Céline Chapuis