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Réforme du code minier : saison 3

AFP / PHILIPPE HUGUEN
Pour un renouveau de l'exploitation minière, la France devra d'abord solder son passé. Le 27 décembre dernier, Liévin commémorait les 40 ans de l'accident qui a coûté la vie à 42 mineurs.
AFP / PHILIPPE HUGUEN
Un projet de loi réformant le code minier est (à nouveau) annoncé dans les mois qui viennent. Selon le conseiller d'État Thierry Tuot, il n'y aurait plus de points de blocage entre les ministères et les administrations travaillent effectivement sur la base des propositions qu'il avait faites en 2013. Voici les principales dispositions.

Des "réflexions auxquelles on [l]'a associé", Thierry Tuot relate "un degré d’entente entre les ministères productifs et environnementaux, sociaux et industriels, budgétaires et dépensiers, qu'[il] n’avai[t] pas trouvé à ce degré-là auparavant". Un climat gouvernemental autour de la réforme du code minier qui fait dire au conseiller d’État qu’il est "redevenu plutôt optimiste quant à la possibilité d’un accord et l’adoption d’un projet de loi". Il était auditionné mardi 10 mars par la commission développement durable de l’Assemblée nationale, alors que le ministre de l’Économie a affirmé il y a quelques jours vouloir soumettre un texte en conseil des ministres à l’automne (voir notre brève), sur la base des travaux effectués en 2013 par un groupe de travail présidé par Thierry Tuot.

Épurer le passif du passé

Avant tout, avant de rentrer dans le vif des procédures, Thierry Tuot pense vivement qu’il faut solder le passé et s’occuper de "l’après-mine". Non pas celui du futur, mais celui que la France traîne toujours comme un passif suite aux exploitations du 19e et 20e siècles. "Il faut affirmer la reconnaissance de la contribution à la croissance, la reconnaissance des drames humains – et pas seulement d’un point de vue économique – et il faut affirmer la solidarité nationale", plaide-t-il. "Si on ne le fait pas par exigence morale, on doit le faire de façon plus cynique, parce que sans cela, on ne pourra pas reprendre l’exploitation." Selon lui, "mettre fin aux cas les plus choquants" représente quelques millions d’euros.

"Si à la fin cela tourne mal"…

Ensuite, une future France minière ne pourra avoir l’espoir de prospérer qu’avec la "garantie absolue que, quoiqu’il arrive, si à la fin cela tourne mal, la solidarité nationale s’exprimera". Ce serait notamment le rôle d’un "fonds national de l’après-mine", créé par la loi, dont la vocation serait de suppléer aux défaillances des bénéficiaires des permis, titres ou autorisations d’exploiter lorsque d’éventuelles victimes ne peuvent obtenir une indemnisation de ces derniers. Le projet de texte proposé en 2013 inclut à cet effet la "clause Metaleurop, qui nous permettrait de traverser les écrans que nous opposent les personnes morales". Sur le même principe qu’une procédure en matière fiscale, l’idée est de se retourner contre celui ou ceux qui a/ont dirigé l’exploitation ou qui en ont bénéficié, lorsque l’exploitant lui-même s’évapore dans la nature.

Sur le modèle de la nomenclature ICPE

La méthode rejoint aussi le droit des installations classées pour la protection de l’environnement. Comme cela existe déjà en matière d’ICPE, le nouveau code minier prévoirait de s’assurer l’appui de l’exploitant même après la fermeture d’un site, notamment pour sa surveillance, via la constitution de garanties financières. La convergence avec le code de l’environnement apparaîtrait aussi lors des procédures de demandes d’exploitations ou de permis. L’idée, explique Thierry Tuot, est de "passer à un système d’enregistrement plutôt que d’autorisation expresse à chaque fois que c’est possible, pour des décisions de moindre importance", et d’avoir des niveaux de décision différents en fonction d’une "nomenclature des types de travaux ou des décisions minières", sur le modèle de la nomenclature ICPE. La police minière garderait son autonomie mais en alignant son régime de sanctions, "notamment pénales", sur celles du code de l’environnement.

Groupement momentané d'enquête

Aujourd’hui, le code minier ne respecte pas le principe constitutionnel d’information et de participation du public de l’article 7 de la Charte de l’environnement. "C’est une des difficultés actuelles : on peut instruire certains dossiers sans que les élus locaux ni même les préfets ne soient informés des procédures en cours", expose le conseiller d’État. Le recours à des procédures alternatives au titre de la participation du public serait à ce jour confirmé par les arbitrages des services ministériels. C’était en 2013 une des principales annonces : la possibilité pour l’autorité administrative de créer un "groupement momentané d’enquête" (voir notre article), un "groupe de travail à l’échelle locale apte à conduire lui-même l’ensemble des procédures de concertation sans contrainte procédurale autre que celle d’assurer la transparence et la bonne information du public".

Droit de suivi

Le groupement momentané d’enquête serait financé par l’industriel demandeur. Il ne serait pas systématiquement mis en place, la procédure étant dérogatoire, et c’était là un de ses principaux points faibles, certains estimant qu’il ne serait quasiment jamais mis en place. Les arbitrages ministériels, puis le débat parlementaire devront éclaircir ce point. Les travaux miniers s’installant en général pour des périodes longues de plusieurs décennies, il serait possible de constituer des "commissions de suivi participatives spéciales", ayant un droit de suivi et consultées sur la gestion du site. Lorsqu’il délivre un titre minier, "on ne peut pas demander à l’État de prendre en compte 25 années d’exploitation, il serait absurde de dire à l’exploitant quelles substances, quelles techniques, quelle étendue…, puisque personne n’en sait rien", expose Thierry Tuot. "Mais il ne faut pas se servir de cette ignorance de départ pour empêcher ensuite la collectivité de contrôler ce qui est fait." L’équilibre reste à trouver.

Schéma sans valeur prescriptive

En 2013, l’équilibre n’avait pas été trouvé pour une des nouvelles dispositions prévues : la réalisation d’un schéma national minier. Si tout le monde s’accorde officiellement sur le fait qu’il est nécessaire de mieux connaître le sous-sol du territoire et développer des connaissances scientifiques fiables sur les différentes techniques d’exploitation et les nuisances, notamment environnementales, qu’elles peuvent engendrer – ce qui serait le préalable à l’écriture d’un schéma –, la valeur de ce document divisait. L’Ufip (institut français des industries pétrolières) tenait par exemple à ce qu’il reste strictement descriptif et n’ai pas de valeur prescriptive, avec l’argument officiel qu’il viendrait dans ce cas s’empiler sur la multitude de schémas territoriaux ou nationaux déjà existants. Un "schéma indiquant les meilleures pratiques, les préférences, les souhaits, sans valeur normative" mais avec une cartographie précise aurait eu "les faveurs des services et sera proposé au gouvernement", selon Thierry Tuot. Il serait rédigé par un nouveau "Haut conseil du secteur minier" dont les autres attributions restent floues.

Hypothétique et lointain pactole

Pour l’instant, le potentiel minier du territoire métropolitain vanté par certains reste tout aussi sibyllin. L’aventure minière nouvelle mouture de la France est tant hypothétique que cela permet de couper court à tous les débats sur la fiscalité des exploitations. "Il serait naïf de penser que le déficit budgétaire va être compensé par une fiscalité minière qui tout à coup tomberait dans les caisses de l’État ou qui, comme certains le disent parfois, permettrait de désamorcer les critiques locales en le noyant sous les revenus de l’exploitation", lance Thierry Tuot. La reprise d’une exploitation minière ne peut aller de pair qu’avec une "fiscalité légère", de façon à ne pas dissuader les paris coûteux des industriels et parce que le rendement pour la collectivité ne se profile de toute façon qu’à un horizon lointain. Il est en revanche judicieux de prévoir des clauses de revoyure, dans l’hypothèse où le pactole finirait par surgir. Une fiscalité qui doit être repensée pour bénéficier à l’intercommunalité, au département ou à la région plutôt qu’à la seule commune sur laquelle se retrouve le puits, ou à la façade maritime pour les exploitations offshore.

Recodification

Le projet de loi qui pourrait donc être présenté dans les prochains mois devra répondre à ces questions. Il devra aussi décider du mode d’adoption choisi, qui préoccupe les parlementaires. Selon le conseiller d’État Thierry Tuot, "environ 80 % du texte" est une reprise des dispositions existantes, qui doivent être recodifiées à droit constant, ce qui pourrait être fait par voie d’ordonnance de façon à "concentrer" le temps parlementaire sur les quelques grandes dispositions nouvelles qui nécessitent des arbitrages politiques.

La réforme du code minier, un serpent de mer ?

La réforme du code minier est régulièrement annoncée comme imminente depuis 2013 ; un projet de loi porté par Delphine Batho devait être présenté cet été-là. Limogée début juillet (voir notre article), l’ancienne ministre de l’Écologie affirmait quelques jours plus tard avoir été victime de pressions d’acteurs des gaz de schiste (voir notre article). Le débat sur les gaz de schiste et sur la fracturation hydraulique atteignait alors, raconte Thierry Tuot à propos de son groupe de travail, "un degré d’incandescence suffisant pour que nous ayons voulu ne pas nous y brûler les doigts". S’il a pu rendre un rapport à Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, et Philippe Martin, ministre de l’Écologie, "c’est en ne parlant jamais de gaz de schiste", même si le groupe de travail s’est "en permanence inspiré de ce qu’il s’est passé sur les gaz de schiste".

Recevant le rapport, les deux ministres vendaient alors le texte comme "un très bon compromis" (voir notre article) même si de nombreux points de divergence subsistaient. Las, le texte ne fera pas un pas de plus sur la scène législative. Et les ministères concernés changent de têtes. "Mais les services se sont emparés de nos conclusions et les administrations compétentes se sont mises à travailler sur le texte que nous leur avions proposé", assure Thierry Tuot. Lesquels services seraient donc prêts à soumettre un projet de loi à l’arbitrage de leurs ministres. D’où l’annonce d’Emmanuel Macron mi-février, alors que des députés souhaitaient intégrer la réforme du code minier au projet de loi pour la croissance et l’activité, via un amendement (voir notre brève). Aujourd’hui, le député Jean-Paul Chanteguet (SRC, Indre), président de la commission du développement durable croit savoir que sa commission sera saisie au fond pour l’examen du texte ; il s’y prépare.