Exposition à l'amiante : avez-vous repensé vos modes opératoires ?
Trois ans après la parution du décret du 4 mai 2012 relatif aux risques d’exposition à l’amiante, la nouvelle VLEP (valeur limite d’exposition professionnelle) au matériau entre en vigueur ce mercredi 1er juillet. "Il s’agissait de laisser le temps aux entreprises du secteur de prendre les mesures nécessaires", rappelle Dominique Payen, chef du pôle chimie environnement au sein de l’OPPBTP (voir notre article). Il a participé au groupe de travail sur la rédaction du décret, et semble estimer que le délai a été suffisant : beaucoup seraient prêtes depuis un certain temps selon lui. "Il existe des certifications pour les entreprises, pour les organismes de formation, pour les opérateurs de repérage amiante… La filière amiante se professionnalise", assure-t-il.
"Pour les professionnels de l’amiante, ce délai de trois ans a surtout servi à réévaluer et repenser leurs modes opératoires en fonction des nouveaux niveaux d’empoussièrement", analyse le spécialiste, qui assiste les entreprises du BTP dans le cadre de ses activités à la fédération. En toute logique, ces niveaux auraient dû prendre en compte la nouvelle VLEP, de 10 fibres par litre d'air pour 8h au lieu de 100 auparavant, et être eux aussi divisés par 10. Mais la parution au Journal officiel d'un décret ce mercredi maintient en l'état les anciens niveaux d'empoussièrement jusqu'à nouvel ordre. Le niveau 1 correspond donc toujours à un empoussièrement inférieur à l'ancienne VLEP, 100 fibres / litre d'air. Pour rappel, il est de de 100 à 600 fibres / litres pour le niveau 2, et de 6000 à 25 000 fibres / litre pour le niveau 3. Avant la parution de ce décret, les entreprises étaient ceci dit censées revoir leurs processus en fonction de niveaux 10 fois plus petits afin d'être à jour de leurs obligations. Une démarche exigeant de leur part "un coup de collier" estime Dominique Payen. Même si un certain nombre avaient déjà anticipé cette évolution via la certification.
Possible dès 2007, obligatoire depuis 2012, elle concerne les professionnels effectuant des travaux de sous-section 3 : retrait ou encapsulage d’amiante et de matériaux, équipements ou articles en contenant. Les entreprises certifiées seraient aujourd’hui près de 800. Afin de faire tomber l’empoussièrement sous la barre de la nouvelle VLEP, elles font appel à des techniques telles que la robotisation, pour décaper des enduits sur des voiles béton selon l’exemple de Domique Payen. Autre illustration, dans le domaine des travaux routiers : "Certaines procèdent au démontage des canalisations après les avoir protégées avec un géotextile imprégné d’un agent tensioactif mouillant qui capture les fibres d’amiante". Si des problèmes concernant notamment les plâtres amiante ont été signalés, néanmoins pour Dominique Payen, les entreprises de sous-section 3 sont à jour de leurs obligations au 1er juillet.
En revanche, estime-t-il, "la marche est plus haute à franchir pour les entreprises de sous-section 4". Tenues de se plier elles aussi à la nouvelle VLEP, ces structures ont "moins d’expérience" que les autres, du fait du caractère ponctuel de leurs interventions sur des matériaux, équipements ou articles "susceptibles de provoquer l’émission de fibres d’amiante". Peut-être moins de budget aussi ? Pour Dominique Payen, "les modes opératoires peuvent être vertueux avec des moyens simples". Avoir une aspiration à la source lorsque l’on perce un trou dans un mur amianté, ou un système qui piège les poussières comme une poche de colle. Utiliser la technique du sac à manches pour changer un joint ou déposer un morceau de calorifugeage amiante sur les conduits.
Dominique Payen a pu observer sur le terrain que les entreprises de sous-section 4 sollicitaient peu les consultants – qui accompagnent plutôt les entreprises de sous-section 3 visant la certification – ou les bureaux d’études, en raison de l’investissement que cela représente. Toutefois, souligne-t-il, elles peuvent être accompagnées, de diverses façons, sur la nouvelle VLEP en matière d’empoussièrement. Via les Carsat, les services de santé au travail ou les fédérations comme l’OPPBTP et leurs outils de conseil ou leur "fiches de prévention" – elles font le point sur les modes opératoires selon les métiers –. Pour le spécialiste, la "question qui se pose" concerne surtout la formation des entreprises. Les fédérations ont beau en proposer, faire campagne sur le sujet même (en 2012, l’OPPBTP avait lancé "Pas formés, pas toucher"), les petites structures se forment peu à l’amiante, quand elles savent à qui s’adresser. Les chiffres de l’Observatoire des formations le confirment (voir notre article).