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[interview] Repérage amiante avant travaux : "Des acteurs ne pourront plus travailler demain"

L'arrêté relatif au repérage amiante avant travaux dans les immeubles bâtis est enfin sorti. Selon Olivier Héaulme, directeur d’Aléa Contrôles, il s'accompagnera d'une montée en compétences. Le texte reprend beaucoup d'obligations déjà existantes, mais a le mérite de les mettre noir sur blanc. La principale nouveauté porte sur l'estimation de la quantité de matériaux amiantés.

Pour mettre un terme à des pratiques hétérogènes, la loi dite El Khomri a inscrit dans le code du travail une obligation explicite de repérage de l'amiante avant travaux. Jusqu’à présent, l’obligation de repérage n’existait que pour les démolitions.

Un décret d'application du 9 mai 2017 décrit six domaines d'activité concernés, chacun devant être doté d'une méthode normalisée de repérage définie par arrêté.

Le texte portant sur les immeubles bâtis, qui rend pleinement effective l'obligation, a été publié au Journal Officiel le 18 juillet 2019 et est entré en vigueur le lendemain. Quelles sont ses conséquences pratiques et économiques pour les maîtres d’ouvrage et les diagnostiqueurs ?

Après vous avoir décrit en détail le texte, nous prenons l’avis de la profession. Interview d’Olivier Héaulme, directeur d’Aléa Contrôles, entreprise qui accomplit des missions de repérage.

 

Quel est l’intérêt de cet arrêté ?

Olivier Héaulme : Il était attendu depuis des mois, pour ne pas dire des années. Il répond à une attente de la profession, puisque le repérage amiante avant travaux n’était pas défini réglementairement avant aujourd’hui. Nous suivions juste les principes généraux de prévention des risques. Nous nous basions également sur la norme NF X46-020 qui n'a jamais été d'application réglementaire (voir encadré). Le grand mérite de cet arrêté est de clarifier le fait que le repérage est bien obligatoire pour les bâtiments construits avant 1997. C’était évident, mais c’est désormais écrit noir sur blanc. Ensuite, il va permettre une montée en compétences des opérateurs de repérage. N’importe qui pouvait faire du repérage amiante avant travaux. Il y avait un trou dans la raquette. Maintenant, il s’agit bien d’une certification individuelle, certification avec mention, donc la plus haute certification qui existe. Enfin, l'arrêté clarifie les obligations des donneurs d’ordre.

Les diagnostiqueurs sont désormais obligés d’estimer la quantité de matériaux amiantés. Certains craignent ne pas avoir les compétences. Des petites entreprises risquent-elles de fermer ?

Olivier Héaulme : La grosse nouveauté du texte est en effet l’exigence de compétences sur l’estimation de quantité. Un tri se fera. La certification avec mention bloquera une partie non négligeable des acteurs, qui ne peuvent réglementairement plus travailler depuis le 19 juillet. Ils auraient pu anticiper, cette obligation existant déjà en cas de démolition d'un bien. Certains organismes de certification m’ont expliqué qu'ils s’appuieront sur différents critères pour vérifier si les compétences sont acquises. Par exemple, si la personne est économiste de construction, déjà formée pour estimer la quantité de déchets avant démolition, ou pour réaliser les mesures de surface, alors, ses compétences seront reconnues.

 

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Quels sont les enjeux de cette estimation de la quantité ?

Olivier Héaulme : L’estimation de la quantité est très technique. Si vous êtes face à une couverture amiantée ou des dalles de sol amiantées, par exemple, il peut y avoir débat sur la manière de calculer la surface concernée. Les écarts, qui peuvent être justifiés, sont parfois très importants. Pourtant, la quantité estimée a ensuite des conséquences sur le devis du désamiantage. Notre souhait est que la DGT publie une circulaire pour clarifier les méthodes de calcul, mais ce n’est apparemment pas prévu. Un guide de l’Afnor devrait sortir cet automne. Je pense que tout le monde va se protéger en insistant bien sur le fait que ce n’est qu’une estimation. 

Et les conséquences pour les opérateurs ?

Olivier Héaulme : On imagine déjà une conséquence sur le coût du repérage. Par exemple, les résultats des échantillonnages ne sont pas reçus dans la journée, alors s’ils sont positifs, est-ce que vous retournez sur le site ? Sinon, vous estimez la quantité pour tout, avant même de savoir s’il y a de l’amiante ?  Cela n’a pas de sens. Dans tous les cas, il y a aura un coût supplémentaire, qui pèsera notamment sur les collectivités, grosses donneuses d’ordre.

L’article 6 interdit aux opérateurs de repérer uniquement de visu, l’article 7 fixe que, dans le doute, les protections individuelle et collective sont assurées comme si la présence d’amiante était avérée. Beaucoup de cet arrêté enfonce des portes ouvertes, juste pour les fixer par arrêté, non ?

Olivier Héaulme : Il est vrai que concernant l'article 6, nous avons toujours appliqué cette règle, qui existe déjà pour le repérage avant démolition. Certains opérateurs ne le font pas, à la demande du donneur d’ordre parfois. Même chose pour l’article 7, qui comporte tout de même une nouveauté : "Au fur et à mesure de l’avancée des travaux programmés ou commandés […] le donneur d’ordre peut confier à un opérateur de repérage la réalisation des investigations complémentaires […]". S’il peut, c’est aussi qu’il peut ne pas le faire. J'y lis qu'il n’y a donc pas obligation de refaire un repérage en cours de route par un opérateur de repérage.

 

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Ce texte consacre aussi le principe de la ZPSO, zone présentant des similitudes d’ouvrage. De quoi s’agit-il ?

Olivier Héaulme : C’est, une fois de plus, une reprise de NF X46-020. Le concept de la ZPSO n’est pas toujours bien compris par les donneurs d’ordre. On est ici dans le domaine des probabilités de présence d’amiante. Par exemple, si vous avez un damier de dalles au sol, vous testerez une dalle blanche et une dalle noire, mais pas toutes. Le but est de limiter le risque d’erreur ainsi que le coût pour le donneur d’ordre. Les critères de similitude et le juste nombre de prélèvements fixés sont les mêmes que celles présentes dans la norme NF X46-020 datant de 2017.

Norme payante

La norme NF X46-020 n'est pas rendue obligatoire par l'arrêté du 16 juillet 2019, mais "la mise en oeuvre de ses prescriptions [...] est réputée satisfaire aux dispositions" de l'arrêté. Une formulation qui n'imposera pas à l'Afnor de rendre la consultation de la norme gratuite, puisque dès qu'une norme est obligatoire, elle doit être gratuite.

 

Pauline Chambost
Ecrit par
Pauline Chambost
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