A la une

Santé au travail : le Sénat regrette que la prévention ne soit pas adaptée aux femmes

La délégation du Sénat aux droits de femmes dénonce le déni des atteintes à la santé des femmes dans le monde du travail. Elle constate que les politiques publiques de santé au travail et les mesures de prévention prises par les employeurs ne sont pas adaptées.

Chausser systématiquement les lunettes de genre” en matière de santé au travail. Voilà ce que souhaite la délégation aux droits des femmes du Sénat. Elle a adopté son rapport d’information intitulé “Santé des femmes au travail : des maux invisibles” le 27 juin dernier, après six mois d’audition. Les sénatrices estiment que le sujet est un “impensé”. “Les statistiques sexuées demeurent parcellaires” et quand elle en dispose, l’Assurance maladie ne les exploite pas, pensent les sénatrices.

Sans ces données, il est impossible de mettre en place une politique de prévention adaptée”, explique Annick Jacquemet (UDI, Doubs), l’une des quatre co-rapporteuses du texte en conférence de presse. Ainsi, les politiques publiques de santé au travail n’intègrent pas suffisamment le sujet, estiment ces élues. Et de pointer du doigt le dernier Plan Santé au Travail par exemple.

► Lire aussi : Hommes et femmes : des conditions de travail différentes ?

Différencier ou discriminer

Alors même que l’employeur a pour obligation de prendre en compte l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe dans son évaluation des risques (article L. 4121-3 du code du travail) depuis 2014, c’est très peu souvent fait. Il faut dire qu’encore beaucoup, par sincérité ou non, pensent que différencier risque de discriminer. En témoigne la déclaration de Pierre Thillaud, médecin du travail représentant la CPME, lors de son audition : “J’éprouve une certaine gêne quant à la thématique de cette table ronde. Un patron de PME ne procède qu'à l'embauche d'un salarié. Qu'il soit homme ou femme, sa responsabilité en matière de santé au travail et de prévention des risques professionnels reste égale”. Lui craint même un “communautarisme sanitaire”.

Le souhait des employeurs de s’intéresser aux travailleurs de manière indifférenciée et aveugle du genre conduit à se focaliser sur “l’homme moyen”, c’est-à-dire le travailleur masculin”, explique Annick Jacquemet. Par conséquent, les postes de travail dans l’industrie ou les équipements de protection individuelle ne sont pas adaptés aux femmes, y compris dans les secteurs à prédominance féminine, racontent les élues qui donnent l’exemple des gants en plastique ou les masques.

► Lire aussi : Est-il possible de réaliser un “DUERP sexué” comme la loi l’oblige ?

Réparation en défaveur des femmes

En plus de la prévention, les rapporteuses montrent que les politiques de réparation sont également en défaveur des femmes. C’est le cas en matière de pénibilité par exemple. “L’imaginaire collectif considère qu’un travail pénible est masculin et lié à des efforts physiques importants, à des ports de charges lourds, au bruit, etc., tandis que la pénibilité féminine est considérée comme moins dangereuse”, écrivent-elles. Conséquence : seulement 23 % des bénéficiaires du C2P sont des femmes. La délégation recommande d’ailleurs de revoir la liste des critères de pénibilité en l’adaptant à la réalité des risques professionnels féminins.

Même chose pour la reconnaissance en maladie professionnelle. Les sénatrices évoquent la lente reconnaissance du cancer de l’ovaire comme MP associée à l’amiante par exemple, et font remarquer qu’alors que le taux de MP n’est pas très différent selon les sexes d’après l’Assurance maladie, le taux de signalement des MCP (maladie à caractère professionnel, programme de surveillance de Santé Publique France qui n’a rien à voir avec une quelconque reconnaissance), est bien plus élevé chez les femmes.

TMS, RPS, VSS

Et pour cause, les femmes ne sont pas en reste en matière de risques professionnels. “Les hommes sont davantage exposés à des dangers visibles. A l’inverse, les femmes sont exposées à des risques invisibles et silencieux”, résume Marie-Pierre Richer (LR, Cher), co-rapporteuse. Il en est ainsi des RPS (risques psychosociaux) ou des violences sexistes et sexuelles notamment. 60 % des personnes atteintes de TMS (troubles musculosquelettiques), dont on sait qu’ils sont à l’origine d’un grand nombre de MP, sont des femmes.

► Lire aussi : Souffrance psychique et TMS : des maladies non reconnues mais bien présentes

Aussi, les femmes connaissent des évolutions de carrière globalement moins rapides que celles des hommes et restent plus longtemps dans des emplois exposés, conduisant à l’usure professionnelle. En Occitanie, le projet Ioda a montré qu’une majorité des personnes déclarées inaptes étaient des femmes.

► Lire aussi : Inaptitude : c’est inédit, l’Occitanie nous donne une idée des métiers à risque

Charge mentale

Par ailleurs, “des facteurs de risques professionnels et des facteurs de vie extra-professionnels se conjuguent, engendrant stress et charge mentale, d’autant plus dans des situations de monoparentalité”, observent les rapporteuses. Elles remarquent pourtant que l’organisation du travail ne tient pas compte de la “double journée des femmes”.

Enfin, une partie du rapport s’intéresse à la santé sexuelle et reproductive et la prise en compte de la ménopause, du parcours de PMA et de l’endométriose. Mais l’instauration d’un congé menstruel, qui a fait débat au sein de la délégation, explique Laurence Rossignol (PS, Oise), qui plaidait pour, n’a pas été retenue.

► Lire aussi : Santé des femmes au travail : "Il n'existe pas d'indicateur de charge mentale"

Pauline Chambost
Ecrit par
Pauline Chambost

Commentaires (1)

GPIC | 11/07/2023 - 13:34

La délégation du Sénat aux droits de femmes dénonce le déni des atteintes à la santé des femmes dans le monde du travail

Je ne suis pas d'accord avec ce constat du Sénat :
Article L4121-3 (1er alinéa) : L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations, dans l'organisation du travail et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.
Article R4152-2 : Indépendamment des dispositions relatives à l'allaitement prévues par les articles L. 1225-31 et R. 4152-13 et suivants, les femmes enceintes ou allaitant doivent pouvoir se reposer en position allongée, dans des conditions appropriées.
Article R4412-160 : 2° Soit si une plombémie supérieure à 200 µg/ l de sang pour les hommes ou 100 µg/ l de sang pour les femmes est mesurée chez un travailleur.
Article R4541-9 : Lorsque le recours à la manutention manuelle est inévitable et que les aides mécaniques prévues au 2° de l'article R. 4541-5 ne peuvent pas être mises en œuvre, un travailleur ne peut être admis à porter d'une façon habituelle des charges supérieures à 55 kilogrammes qu'à condition d'y avoir été reconnu apte par le médecin du travail, sans que ces charges puissent être supérieures à 105 kilogrammes.
Toutefois, les femmes ne sont pas autorisées à porter des charges supérieures à 25 kilogrammes ou à transporter des charges à l'aide d'une brouette supérieures à 40 kilogrammes, brouette comprise.

Et j'en oublie des dispositions qui sont écrites dans le code du travail et qui prennent soin des femmes... Donc que le Sénat se renseigne avant.
Signaler un contenu abusif