Sites Seveso : êtes-vous vulnérables à la malveillance ou au terrorisme ?
"Il n’y a pas de failles, ce n’est pas un constat de manquements, mais il ne faut pas sous-estimer les points de vulnérabilité", répète Ségolène Royal, au sortir de la table ronde sur la sécurité des sites Seveso qui se tenait vendredi 17 juillet 2015 au ministère de l’Écologie (1). Après l’attaque du site de gaz industriel Air Products, classé Seveso "seuil bas" en Isère fin juin, puis la double explosion qui a eu lieu le 14 juillet sur le site pétrochimique classé Seveso de LyondellBasell, situé à Berre-l’Etang, le gouvernement entend lutter contre la difficulté de préserver les sites industriels à risque des actes de malveillance voire de terrorisme. Les discussions de vendredi avaient deux objectifs : vérifier que les prescriptions de sécurité soient bien appliquées et envisager de nouvelles procédures, notamment pour que les différents acteurs, tant les pouvoirs publics que les industriels communiquent mieux entre eux. Premier acte de cette mise en action : d’ici fin septembre, les 1 171 sites Seveso – dont 656 sont classés "seuil haut" – devront vérifier leurs points de vulnérabilité et d’ici fin décembre, ils seront inspectés pour cela, annonce Ségolène Royal.
"Étudier la vulnérabilité des installations industrielles chimiques vis-à-vis d’actes de malveillance consiste à caractériser le site et les activités exercées dans l’établissement et à identifier les dangers et les mesures de sécurité et de sûreté déjà en place", introduit le "guide d’analyse de la vulnérabilité des sites industriels chimiques face aux menaces de malveillance et de terrorisme" que nous avons pu consulter. Il sera remis dans les jours qui viennent à tous les exploitants de site Seveso, qui auront jusqu’à fin septembre pour en compléter les différents questionnaires en annexes.
| 1 | Identification des potentiels de dangers |
|---|---|
| 2 | Évaluation de l’attractivité d’une cible potentielle |
| 3 | Concepts pour les contre-mesures et la gestion de la sûreté |
| 4 | Paramètres de menace |
| 5 | Les produits chimiques cibles |
| 6 | Conséquences sur les cibles |
| 7 | Attractivité de la cible |
| 8 | Liste récapitulative des contre-mesures de sûreté |
Et d’ici fin décembre, tous les sites recevront la visite de l’inspection des installations classées. "Nous referons un point bientôt pour savoir s’il y a des difficultés d’application, ou même des propositions d’amélioration du processus", précise la ministre, faisant remarquer que sur ce dossier, elle doit travailler avec le ministère de l’Intérieur pour les risques de malveillance, et le ministère de la Défense pour les risques liés au terrorisme. L’inspection ira "voir si les choses sont bien en place, mais sera aussi là pour aider les entreprises à identifier tous leurs points de vulnérabilité, ceux auxquels elles n’auraient pas pensé", indique Ségolène Royal. Parallèlement, un exercice est annoncé dans chacune des 7 zones de défense et de sécurité (Paris, Nord, Ouest, Sud-Ouest, Sud, Sud-Est, Est) "d’ici la fin de l’année 2015".
"Les quelque 1 200 sites Seveso se parlent, ils peuvent échanger sur leurs moyens d’action, leurs préoccupations, et voir les outils et technologies de contrôle qui peuvent être mutualisés, pour que tant les salariés de ces sites que les activités industrielles soient sécurisés." Les conditions d’accès sont la première brèche possible des installations. Elles sont sous la responsabilité des industriels et – du système de vidéosurveillance en circuit fermé aux postes de contrôle en passant par les badges limitant l’accès à certaines zones – sont déjà théoriquement en place. "Le repérage des risques ne peut pas reposer uniquement sur le salarié positionné à l’entrée", fait remarquer Ségolène Royal. Les exploitants, notamment ceux qui possèdent les sites les plus étendus, doivent relire et éventuellement corriger leur copie sur les mesures physiques et organisationnelles de protection. Une cartographie des zones sensibles et de leurs conditions d’accès doit être formalisée pour chaque site dans les semaines qui viennent. Sous le prisme de ce type de menaces, le stockage de produits chimiques dans des réservoirs fixes ne représentera pas le même niveau de dangerosité que le stockage de ces mêmes produits, avec les mêmes volumes dans des emballages prêts à l’expédition, par exemple.
"La sous-traitance en cascade" est, estime la Fnic-CGT (fédération nationale des industries chimiques), "incompatible avec une réelle sécurité". Le syndicat appelle à ce qu’elle soit "réduite au strict minimum et interdite pour le fonctionnement récurrent des installations" : "ce sont les CHSCT et CE qui doivent déterminer ce qui relève de la sous-traitance, et ce qui relève de l’activité organique de l’entreprise". L’UIC (union des industries chimiques) travaille "à revoir les procédures d’habilitation des personnels des entreprises extérieures, comme cela se fait dans le transport aérien". "Il ne faut pas oublier qu’un emploi interne, dans ce secteur, induit en moyenne trois emplois externes, transporteurs, maintenance, sécurité, administration…", reconnaît Jean Pelin, directeur général de l’UIC.
À la fin des années 1990, le Mase (manuel d’amélioration de la sécurité des entreprises) est justement né de la volonté du pétrolier Esso de développer de bonnes pratiques dans la gestion des sous-traitants autour de l’Étang de Berre (voir notre article). À la fin des années 1990, le Mase (manuel d’amélioration de la sécurité des entreprises) est justement né de la volonté du pétrolier Esso de développer de bonnes pratiques dans la gestion des sous-traitants autour de l’Étang de Berre (voir notre article). L’an dernier, 7 ans après avoir fusionné leur référentiel DT 78 applicable aux entreprises extérieures et obligatoire pour celles intervenant sur les sites Seveso seuil haut, l’UIC s’est engagée dans un partenariat avec le Mase. Cela pourrait être une base pour aller plus loin quant au contrôle des sous-traitants.
"Il est essentiel qu’un juste équilibre soit trouvé entre l’exigence de transparence demandée par certaines réglementations et le renforcement de la sûreté", demande l’UIC qui dit s’interroger "sur la pertinence de certaines informations demandées aux industriels" et voudrait voir la réglementation évoluer sur la disposition du public des informations sur la nature des produits utilisés et leur dangerosité. Du côté du ministère, on souligne que la loi "permet la diffusion des documents établis pour assurer la maîtrise de ces risques et notamment les études de dangers, mais précise que les données susceptibles de favoriser la malveillance restent secrètes". Néanmoins, "une inspection générale sera diligentée afin de définir concrètement les bonnes pratiques permettant de concilier au mieux ces exigences". Le gouvernement réfléchira aussi aux "renforcements nécessaires du cadre réglementaire applicable à la protection contre les intrusions sur ces sites" et un audit sur les modalités de leur surveillance, notamment sous l’angle de la liaison avec les forces de l’ordre, "sera réalisé par des experts de l’administration sur des sites volontaires afin d’en tirer un retour d’expérience collectif".
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Si d’autres situations sont envisageables, en fonction des spécificités des sites, quatre menaces des plus "vraisemblables" sont listées dans le guide d’analyse de la vulnérabilité :
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(1) Cette table ronde a réuni :
- les hauts fonctionnaires de défense des ministères de l’Écologie, de l’Économie et de l’Intérieur,
- le directeur de la protection et de la sécurité de l’État du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, le directeur de la protection des infrastructures de défense,
- la directrice générale de la prévention des risques, le directeur général de l’énergie et du climat,
- 30 représentants des exploitants des sites relevant de la directive Seveso, dont le président de l’UIC (union des industries chimiques) et le directeur de l’Ufip (union française des industries pétrolières).
Commentaires (2)
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Signaler un contenu abusifLa rédaction / Élodie Touret
Merci de votre commentaire. En effet, la phrase de ce passage était bien mal formulée : merci de votre vigilance ! Le Mase est bien obligatoire pour les entreprises extérieures intervenant sur les sites Seveso seuil haut, comme l'était avant lui le référentiel DT 78. Ce point est mieux précisé dans l'article en lien.
Le Mase est surtout axé sur la formation à la sécurité, pour parvenir à un management de la sécurité satisfaisant, s'assurer d'un langage commun, etc... Les enjeux de sûreté et l'idée d'habilitation comme dans le transport aérien viseraient plus directement la gestion des ressources humaines.
Mais pour l'instant, les pistes sont très floues, je ne peux pas vous en dire plus. Nous suivrons ce dossier et vous tiendrons informés.
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