C’était une promesse du président François Hollande faite fin 2012 à l’occasion de la première conférence environnementale. Ses contours sont dessinés par un projet de loi que l’Assemblée nationale a voté en première lecture (voir notre article) et que le Sénat devait étudier en commission les 7 et 8 juillet 2015 – l'examen du texte a été repoussé à une date ultérieure* –. L’Agence française de la biodiversité (AFB) reste malgré tout un objet environnemental non identifié. Lors des assises nationales de la biodiversité qui se sont tenues à Dijon du 10 au 12 juin, les préfigurateurs nommés pour lui donner de la chair se sont démenés pour en justifier la pertinence. Attention, prévenaient en marge de la manifestation les syndicats de l’Aten (pôle pour les gestionnaires d’espaces naturels), des parcs nationaux de France, de l’Onema (office national de l’eau et des milieux aquatiques) et de l’agence des aires marines protégées – les quatre établissements destinés à fusionner – "sans prise en compte du volet social des personnels et sans moyens supplémentaires, l’AFB restera une coquille vide et se réduirait à une opération de communication".
Les pouvoirs publics ont encore un an et demi pour convaincre. L’agence entrera en fonction le 1er janvier 2016. Ses missions commencent à devenir plus claires. L’AFB devra d’abord "élargir l’audience", selon l’expression d’Emmanuel Delannoy, directeur de l’institut Inspire et préfigurateur en charge des relations avec les milieux économiques. "Les entreprises ne se sentent pas toujours concernées. L’un des enjeux est de les convaincre de passer d’une gestion par défaut à une gestion proactive de la biodiversité, d’une logique de contrainte à une logique d’innovation". L’agence devra sans cesse répéter le même message : si les décisions des milieux économiques ont un impact sur la nature, la réciproque est vraie. Ces mêmes milieux dépendent de la bonne santé des écosystèmes terrestres ou marins, que l’on parle du secteur agroalimentaire ou pharmacologique, du tourisme ou de l’aménagement. Par conséquent, l’entreprise et la collectivité n’ont pas le choix entre le développement de l’activité et la préservation de la biodiversité. Ils doivent choisir l’un et l’autre.
Pour passer de la théorie à la pratique, l’AFB se doit d’être un centre de ressources : en diffusant les bonnes pratiques, en formant les acteurs et en aidant ceux qui pleins de bonne volonté ne savent pas toujours comment adopter une politique de développement vertueuse. "Les concertations montrent qu’on attend de l’agence qu’elle soit un lieu de convergence d’informations naturalistes", illustre Emmanuel Delannoy. Pas question pour cela de réinventer la roue. Les établissements préexistants et les acteurs de proximité ont déjà des compétences qu’il faudra donc fédérer en évitant la tentation bureaucratique de tout vouloir maîtriser de A à Z. "Attention en particulier à ne pas retirer des moyens aux associations de protection de la nature", prévient Allain Bougrain-Dubourg, président de LPO (ligue pour la protection des oiseaux), reprenant un propos plusieurs fois entendu dans les ateliers des assises.
Préfiguratrice en charge des relations avec les collectivités, Annabelle Jaeger considère que la meilleure manière d’éviter cet écueil est d’opter pour la décentralisation. "Je ne préconise pas un modèle déconcentré de l’État de l’agence (type Ademe), mais bien une territorialisation. Autrement dit, je suggère l’existence d’agences régionales de la biodiversité au service des acteurs du territoire", explique-t-elle. Sans imposer leurs vues aux autres collectivités, les régions devront jouer un rôle de coordinateur en partenariat avec d’autres institutions comme les Dreal ou les agences de l’eau. "La gouvernance partagée reste à inventer", conclut-elle, insistant sur l’importance de la souplesse qui permettra à chaque région de trouver son propre modèle en fonction des outils qui existent déjà (comme Natureparif en Île-de-France). Reste à ne pas créer un nouveau "machin". Alors que la biodiversité est parfois un sujet à la mode, parfois totalement ignorée, "on a besoin de pédagogie pour ne pas que les territoires se démobilisent", prévient Bruno Mounier, directeur de la Fédération des conservatoires d'espaces naturels.
*MAJ le 19 juin à 11h45 : L'agence française de la biodiversité a signalé que l'examen du texte ne se ferait pas les 7 et 8 juillet comme prévu, et qu'il a été "reporté".