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Les préventeurs mettent le cap sur les Moocs

Se former aux bases de la santé au travail, depuis son ordinateur, à son rythme et gratuitement : c’est ce que proposent les Moocs du Cnam et de l’École des mines de Nantes. Contre toute attente, les professionnels du secteur sont nombreux à suivre ces formations en ligne.

"Vous faites de la santé au travail comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, vous avez un rôle protecteur pour vos collaborateurs et vous ne le savez pas, si vous voulez comprendre pourquoi et comment, bienvenue sur le Mooc". Ce message a convaincu 12 000 personnes de s’inscrire au cours en ligne du Cnam sur la santé au travail. L’École des mines de Nantes aussi a tenté l’expérience du Mooc spécialisé en santé au travail : 1 150 inscriptions au compteur. Cet outil, qui signifie en anglais "massive open online course", séduit de plus en plus dans le domaine. Et les débutants ne sont pas les seuls au rendez-vous. La formation attire également les professionnels du secteur. Juristes en droit du travail, préventeurs, et consultants constituent même une grande part des inscrits à ces formations.

Un mélange de "Que sais-je" et de série télé

William Dab est professeur en hygiène et sécurité au Cnam, et responsable du Mooc Estim (enseignements de santé au travail pour les ingénieurs et les managers). Il définit le Mooc comme un mélange de "Que-sais-je?" et de série télé qui permet en une heure et demie par semaine de comprendre les enjeux d’un domaine via des cours écrits, vidéos explicatives, mises en situation et QCM. Le tout donne droit à une attestation d’assiduité et/ou de réussite, à condition que les QCM et autres évaluations soient concluants. Les Moocs, qui sont gratuits, s’appuient aussi sur un forum où les participants peuvent échanger et poser des questions. Un point qui motive un grand nombre d’inscriptions du côté des professionnels de la santé sécurité au travail.

Point fort : un rythme de formation flexible

Comment cela marche-t-il ? "Vous vous inscrivez, avec un mail, et un mot de passe. Vous téléchargez vos contenus. Si vous êtes chez vous et que vous n’avez qu’un quart d’heure, ou même si vous êtes dans les transports avec votre smartphone, vous pouvez avancer", explique William Dab. Il faut dire que la formation se découpe en modules eux-mêmes articulés en brèves séquences. Ils se concluent par des tests permettant de vérifier que les connaissances ont été acquises. Exemple tiré du Mooc de l’École des mines de Nantes, intitulé "Impact de la décision en santé au travail" : "Quelqu’un travaille sur une chaîne d’assemblage et se blesse. Dans le but de rédiger un rapport d’accident, on nous soumet une liste d’éléments tirés des témoignages des salariés qui ont assisté à la scène. Il faut alors trier les informations objectives, et les commentaires subjectifs du type 'Il semblait stressé'", raconte Louise Claverie, étudiante en génie des systèmes énergétiques inscrite au Mooc.

Point faible : la valeur de l’attestation

À l’École des mines, 46,50 % des participants ont obtenu leur badge d’assiduité. Du côté du Cnam, le taux d'inscrits assidus qui ont réussi le test final est de 15%, soit environ 1 800 personnes. S'ils ont obtenu une attestation eux aussi, attention, avertit William Dab : "Nous ne certifions pas". Les attestations obtenues à l’issue d’un cours en ligne comme ceux de l’École des mines et du Cnam ne sont pas comparables aux diplômes obtenus dans le cadre d’une formation professionnelle validée par l’employeur. De l’avis général d’ailleurs, mooc et formation professionnelle ne sont pas vraiment comparables. "Cela ne fera pas de nous des professionnels de la santé au travail", témoigne Alexandra Dubosc, inscrite au Mooc de l’École des mines, "cela nous permet juste de savoir quelles sont les mesures à prendre, à qui s’adresser et ce qu’exige la législation en vigueur, si un accident du travail survient". William Dab confirme : "Je ne crois pas que le Mooc soit l’avenir de la formation. J’ai juste l’impression qu’il vient combler un manque. Parfois, les gens se disent qu'ils aimeraient faire une formation, mais ils ne sont pas sûrs, et puis c’est lourd, peut-être pas adapté. Le Mooc, lui, permet de faire le tour d’un sujet en quelques heures, c’est une porte d’entrée."

Le forum, une grosse plus-value

Ceci dit, pour Nina Tarhouny, juriste en droit du travail inscrite au Mooc Estime, "on peut toujours valoriser ce type de formation, car cela montre que la personne est motivée, à l’affût de nouvelles compétences". Pour sa part, elle s’est surtout inscrite pour échanger sur le forum de la formation. Sans doute la plus grosse plus value du Mooc pour nombre de professionnels de la santé au travail. Ce sont en tout cas les plus actifs, nous dit-on du côté de l’École des mines de Nantes. "C’est là que se passent les choses les plus intéressantes", assure quant à lui William Dab. Car si le Mooc propose un panorama des questions de santé au travail, c’est sur le forum qu’apparaîtraient les questions techniques. "Le premier soir après la mise en route du Mooc, il y avait 150 questions. Des choses précises, sur tel ou tel article du code du travail par exemple. Le lendemain, j’ai constaté que les participants n’avaient pas besoin de moi pour répondre! Tout le monde forme tout le monde", se souvient-il.

La naissance d’une communauté

À la clôture du Mooc, le forum s’est recréé sur Google +, il est d’ailleurs animé par Nina Tarhouny. "J’ai rencontré beaucoup de gens sur le forum du Mooc", raconte-t-elle. "La communauté compte aujourd’hui plus de 180 membres. On se connaît, on garde contact, et quand on a une question technique à poser, on n’hésite pas". L’École des mines de Nantes tout comme le Cnam s’apprêtent à renouveler l’expérience, après quelques ajustements – séquence sur la relation manager-médecin, meilleur cadrage des évaluations etc. –. Les inscriptions seront ouvertes prochainement.

Claire Branchereau
Ecrit par
Claire Branchereau